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Les Critiques du GrAaL

[Critique JdR]Les Ombres d'Esteren

5 Novembre 2015 , Rédigé par GrAaL Publié dans #Jdr, #Jeu de Rôle, #Critique, #Agate Editions, #Ombres d'Esteren

[Critique JdR]Les Ombres d'Esteren

Nous plongeons cette semaine au sein de la noirceur pour combattre les Féodas. Vous l'aurez compris, nous parlerons du bien connu JdR, les Ombres d'Esteren.

Jeu : Les Ombres d'Esteren
Auteurs : Joëlle Deschamp, Laurent Duquesne, Frédéric Hubleur, Ludovic Monnier-Ragaigne, Nelyhann, Aldo Pappacoda, Jean-Romaric Rio
Éditeur : Agate Editions
Univers : Médiéval fantastique horrifique
Système : D10 + Domaine + Voie > Seuil de difficulté
Pitch : Que vous veniez de Toal-Kaer, du Reizh ou du Gwidre, vous êtes tous un Tri-Kazelien. Aucun de vous n'avez les mêmes croyances, que vous priez le Dieu Unique, ne jurez que par le Flux ou bien restez fidèles aux vieilles traditions, mais le sang qui coule dans vos veines provient des mêmes ancêtres. Votre seul ennemi devrait être les Féondas. Alors cessez ces futiles conflits internes et alliez vous contre l'Ennemi.

[Critique JdR]Les Ombres d'Esteren

Écriture :
Magistral et indigeste. Difficile de voir comment on peut allier ces deux adjectifs, mais les Ombres d'Esteren ont réussi ce drôle de challenge. Pour bien l'expliquer, je vais découper en deux ma présentation. Chaque partie reprendra l'ensemble de l'ouvrage et rapportera les éléments intéressant mais qui détruit la lecture en même temps.

Magnifique par son style d'écriture. En effet, le monde de Tri-Kazel est longuement décrit par de nombreux textes d'ambiance. Ces derniers permettent à l'univers d'être pleinement vivant. On passe d'extraits de cours d'université, des missives, des récits de voyages, des lettres personnelles ou encore des notes de recherches. On se fond alors dans l'âme des habitants des trois royaumes de Toal-Kaer, du Reizh et du Gwidre. On découvre également dans les moindres détails les peurs, les rêves et les volontés de ces hommes et femmes. On plonge donc dans leur âme qui nous révèle ses moindres secrets. Chaque région possède son chapitre avec la description des courants de pensées, des religions, des us et coutumes de ses royaumes, si proches par leur origine et si éloigné par les aspirations. Autres points d'importances, la multitude d'illustrations, aussi splendide les unes que les autres. De plus, ces visuels représentent aussi bien les individus dans la vie de tous les jours, que des lieux incontournables ou des cités dans leur ensemble. Ce mélange de genre ressemblerait plus à une oeuvre graphique autour d'un roman d'histoire d'un univers magique qu'à un livre de JdR.

Imbuvable par sa lourdeur et sa longueur. Que l'on aborde la partie décrivant l'univers des Ombres d'Esteren ou celle des règles, il est difficile de parler de simplicité. Si l'on revient sur le passage présentant le monde de Tri-Kazel, on se retrouve avec que des textes d'ambiances ou des notes qui sont là pour donner vie à l'ensemble. Le soucis est que c'est trop. Dans un même centre d'intérêt on passe d'un style à un autre de façon abrupte. On ne sait plus qui parle, la situation globale, si on a changé de partie ou non. Les auteurs ont sûrement voulu bien faire, mais cela est beaucoup trop. Et encore, je pense que trop est un mot bien faible pour décrire sa compacité. Je vais juste donner le nombre de page traitant de l'univers dans ses moindres détails : 160 pages. C'est énorme. En effet, lorsqu'on parle de JdR, on est plus souvent dans la cinquantaine pour parler d'un monde. Là, c'est le triple. Alors il est vrai qu'on est au courant de tout sur les habitudes de vie du fermier en pleine campagne ou de l'ingénieur dans son laboratoire, mais est-ce réellement pertinent? Non, surtout si l'on ne parle d'aucun secret de l'univers. Il aurait été bien plus intéressant pour les lecteurs (joueurs ou meneurs) de couper en deux voire en trois certaines parties, ou se montrer plus concis, et de faire un livret à part avec les informations extraites. Je suis étonné que cela n'est pas été le cas lorsqu'on voit la politique de vente de l'univers. Concernant la partie des règles, je ne vais pas m'appesantir dessus étant donné que j'en parlerai plus loin, mais on retrouve les mêmes écueils que pour celle du monde. Comme simple exemple, la création de personnage se retrouve au milieu de la présentation du système de jeu et après les archétypes. Oui, rien de logique.
 

Contexte :
Après avoir bien lu la description de l'univers, j'ai eu l'impression que trois individus ayant des envies différentes se sont rassemblés pour tenter de faire un univers cohérent. Comme si on avait autour d'une table un adepte du steampunk, un fana du Mythe Arthurien de Chrétien de Troy et un fidèle des légendes celtiques. Mais le mélange n'est ni bien réalisé, ni original. La volonté des auteurs d'incorporer tous les éléments de leur envie ensemble est bien trop visible. Cela donne un univers qui se découpe en trois avec chacun sa spécificité. Après, les explications de ces différences sont bien sûr données dans l'ouvrage, mais elles n'arrivent pas à me convaincre. On retrouve le continent inconnu d'où sont venus les étrangers pour apporter la technologie et l'intelligence sur des peuples vivants dans les chimères du passé et étant pris pour des arriérés. Mais ces derniers sont à l'écoute de la nature et de ses secrets. On a une véritable opposition entre les trois factions de Tri-Kazel.

D'un côté, le peuple druidique/chamanique/culte des anciens sur les terres de Toal-Kaer. Le système politique est entièrement féodal et les Démorthen pratiquent une magie liée aux runes. un mélange de Celte et de Viking dans la manière de vivre, raisonner et de faire. Au centre, Gwidre avec son pouvoir central, ses chevaliers et sa religion unique. Quoi, du Pendragon  modifié ? Mais non, que légèrement. Et pour terminer à l'extrème Ouest, Reizh, la région qui a accueilli les étrangers et les a laissé s'implanter pour développer leur magience. Soit un peuple plus évolué qui a emmené avec lui de la technologie utilisant les fluides essentiels. Du approchant Steampunk mais sans vapeur, pour mieux coller à du Médiéval-Fantastique.

Alors que l'Histoire de l'Univers est amplement détailllée et souhaitée complexe, on ne retrouve qu'au final des idées déjà développées dans d'autres JdR mais de manières plus intelligentes. Avec un peu plus d'originalité et des prises de positions plus tranchées, on aurait pu avoir un véritable univers singulier dans bien des points. Même l'aspect horrifique des Ombres d'Esteren qui devait être important se trouve être plus une toile de fond après la lecture de l'ouvrage de base. Surtout que son positionnement sur du Med-Fan Horreur était un peu unique à l'époque. Depuis plusieurs univers sont apparus et ont réellement su se démarquer. Pour exemple, Les Chroniques des Féals qui, bien qu'ayant repris des idées communes à d'autres univers, ont réussi à l'adapter et en faire un JdR bien distinct de tous les autres.

[Critique JdR]Les Ombres d'Esteren

Création de Personnages :
Sûrement l'élément le mieux réussit des Ombres d'Esteren, de mon point de vue, même si sa place est un tantinet incompréhensible (entre les archétypes et les règles).  Elle a au moins le bon sens de se réaliser par étapes et de pouvoir bien détailler notre personnage. Quelques conseils nous sont même proposés pour adapter la création en fonction des joueurs, pour des débutants ou des confirmés.

Après avoir déterminé notre peuple d'origine, il nous faudra choisir notre Métier et notre Classe Sociale. Ces deux éléments vont nous permettre de dépenser les premiers points de compétences et avoir nos premières spécificités. Ensuite, nous allons devoir décider de nos Voies principales. Ces dernières vont déterminer la mentalité de notre personnage, sa façon de penser ou de voir le monde. Un point de jeu qui s'intègre totalement à l'ambiance souhaitée par les auteurs. Arrivé à ce niveau, nous avons déjà les grandes lignes de notre avatar et son état d'esprit, il ne reste plus qu'à étoffer son histoire.

Et cela tombe bien car nous allons devoir déterminer l'Age de notre avatar ainsi que les grandes lignes de son Histoire. Autant ce dernier est plus anecdotique, autant le premier aura une réelle influence. En effet, plus notre personnage aura vu de printemps, plus il aura de bonus dans des compétences, mais obtiendra par la même occasion des Revers (des désavantages impliquant un moment de notre histoire). Nouvel élément de jeu et de roleplay, les Traits de Caractères, influencés par les Voies. Ces traits seront soient des qualités, soient des défauts. On pourra déterminer plusieurs aspects du personnages allant de sa santé mentale à sa conscience et son instinct. Deux points de jeu qui influenceront nos réactions dans certaines situations.

On entre dans la dernière étape de la création de personnages avec sa spécialisation. En effet, nous allons avoir plusieurs points à dépenser entre les compétences, disciplines de combats et les avantages. On pourra également prendre des désavantages pour gonfler notre pool de départ. Ensuite, on déterminera les potentiels de combat, de défense, notre initiative de base et surtout notre score de Survie. Ce dernier permet de relancer les dés lors d'un échec ou d'ignorer les malus dus à certaines blessures. Pour les personnages pratiquant la magie, il faudra également calculer le score de Rindath (Démother) et d'Exaltation (élus du Temple).

Voilà, vous venez de créer votre avatar dans l'univers de Tri-Kazel. Vous n'avez plus qu'à acheter votre équipement pour l'armer et partir à l'aventure dans les 3 Royaumes.

Système de jeu et Règles :
Apprêtez-vous à faire quelques allers-retours entre les différents points de règles pour bien vous y retrouver. En effet, les auteurs nous présentent le système comme quelque chose d'optionnel, pour que le meneur n'est une emprise que  sur certaines situations. Soit que l'imagination et l'intelligence des joueurs doivent pouvoir leur permettre de résoudre
certaines des circonstances rencontrées. Mais le véritable souci est, qu'ensuite, on a un empilement de règles avancées pour gérer les événements. Donc on nous dit que le système n'est pas apte à tout gérer et n'est pas le plus important, mais derrière on nous rajoute plusieurs couches. Dommage de ne pas avoir fait de choix clairs et nets. Je suis plutôt adepte des systèmes bien détailles pour répondre aux demandes des joueurs, comme cela est le cas au final. Mais je n'arrive pas à comprendre qu'on nous présente le système comme quelque chose de basique si cela n'est pas le cas. Revenons à nos moutons et à sa présentation.

Les bases sont des plus simples. On ajoute notre Voie, qui est notre optique dans la situation, la façon de faire, à notre score dans le Domaine d'action. On lance ensuite 1D10 et la somme totale doit être supérieure au seuil de difficulté. Rien d'original, mais le D10+Comp/Caract colle assez bien à un univers médiéval fantastique qui se veut mortel. Les réussites critiques sont sur les 10 et les échecs sur les 1. Ces derniers moduleront les seuils et les effets obtenus suivant les situations.

Concernant les phases de combat, elles se déroulent en 4 étapes. La première déterminer l'ordre d'action avec les jets d'initiative. Puis les plus faibles scores annoncent la posture de combat qu'ils utilisent pour la durée du round. Cela influencera les scores d'attaque et de défense. Ensuite les différents protagonistes réalisent leur prouesse du plus grand score d'initiative au plus faible. Il ne reste plus qu'à déterminer les dommages qu'ont reçu les personnages. Par contre, dans un round de combat, les avatars n'ont qu'une seule et unique action. Je trouve cela contraire à la volonté d'avoir un système simple. Oui, cela rend le système plus mortel car le premier qui touche à un avantage sur l'adversaire. Mais cela ralentit sensiblement le rythme de de jeu. Pour l'avoir tester deux fois, j'ai trouvé que les combats se rallongeaient un peu trop. Après un élément de jeu permet d'ajouter une petite subtilité à l'ensemble. En effet, les bons combattants peuvent posséder des prouesses de combat qui leur permettront d'agir d'une façon particulière. L'idée est bonne mais sans Parade comme technique spécifique, on sera incapable de le faire. Incompréhensible pour une personne qui sait se battre. Il faudra donc la récupérer pour réaliser cette action.

L'antépénultième point de règle à aborder concerne les Magies. Soient les Pouvoirs oghamiques, les Miracles et la Magience. Bien que différents totalement dans les effets, ils possèdent quelques points de ressemblence pour deux d'entre eux. En effet, pour les deux premiers, les Runes et l'Exaltation, la résolution des "sorts" s'effectuent de la même manière. On détermine le Cercle de difficulté, qui associe alors un seuil. Suivant la puissance, on obtient le nombre de cible, la portée ainsi que la durée de l'effet. Chaque niveau entraîne également un cout de Rindath ou Exaltation (les points de Magie) de plus en plus élevé. Par contre, il est possible de résister à l'effet d'un sort, et la difficulté est alors la même. Donc il est aussi difficile de le lancer que le contrer. Dommage que le degré de réussite ne rentre pas en compte, que le seuil ne soit pas plus élevé pour résister que pour effectuer de la magie. Au sujet de la Magience, le joueur devra se référer à plusieurs tables pour réussir à extraire le fluide essentiel à la réalisation de ses artefacts ou potions. On rentre alors dans une mécanique compliquée qui hache totalement le jeu et qui demande de déterminer de nombreuses conditions ou informations sur les éléments utilisées.

Le point de jeu et également le plus raté de tous à mon avis, la santé mentale. Essentielle lorsqu'on souhaite impliquer l'horreur dans un univers et lui donner une place centrale. Autant les premières lignes sont intéressantes avec des jauges gérer par le meneur, qui pourront influer sur les visions des joueurs. Autant les séquelles sont trop simples et mal introduites. Il aurait été intéressant de prendre en compte l'élément déclencheur des folies ou psychoses plutôt que la psyché du personnage. Au moins, les quelques séquelles psychologiques sont assez bien détaillées, mais cela ne rattrape pas la pauvreté des propositions mises en place.

[Critique JdR]Les Ombres d'Esteren

Points négatifs :
- Absence totale de secret. Pour un jeu qui se présente comme un univers à secret, il est regrettable d'avoir quelques pauvres rumeurs écrites. Surtout qu'il est constamment fait mention d'un ouvrage regroupant toutes les informations nécessaires aux meneurs pour connaitre l'essence de l'univers, mais qu'il n'est toujours pas sorti. Je dirais que ce fameux livre des secrets n'est qu'une chimère pour attirer les joueurs sans les fidéliser.
- Absence de scénario de base. Regrettable qu'un tel jeu n'ait même pas les bases d'une intrigues qui permettraient à un meneur de présenter rapidement l'univers et le système. Surtout lorsqu'on voit la longueur de la partie sur le Monde. Il aurait été largement plus intelligent de couper quelques paragraphes, ce qui aurait aérer la lecture, et de proposer, si ce n'est un scénario tout fait, au moins des accroches avec des éléments autours.
- Une gamme mal maîtrisée. Ayant déjà assez lutté pour terminer l'ouvrage de base et ne trouvant que peu de bonne choses dans un tel univers, je vais parler ici des autres sorties sur ce JdR. On réédite des livres sorties 4-5 ans avant, en utilisant allégremment les dérives du financement participatif, on préfère réaliser un CD audio pour mettre de l'ambiance (une bonne idée à la base) mais derrière on réalise un concert avec un orchestre, des suppléments peu pertinents avec surtout des compléments de règles sur un système qui va encore s'alourdir. Vous commencez à vous perdre ? C'est normal, c'est la sensation de nombreuses personnes intéressées qui ont délaissé l'univers.

 

Avis général :
Cela va totalement changer de mes avis habituels, car je déconseille réellement ce jeu. Des idées, en profondeur, qui auraient pu donner un univers fort intéressant, mais qui se révèle fade et non structuré. On a trop voulu mélanger de concepts et reprendre des éléments développés par d'autres JdR pour en faire un tout qui ne s'incorporent aucunement. Au final, on a un Monde indigeste sans aucunes informations sur ce qui se trame réellement et avec un système de jeu basique mais qui additionne tellement de couches de mécanique qu'il en perd ses utilisateurs.
La seule raison de l'acheter est pour son côté graphique agréable et montrer de temps en temps ses illustrations à quelques amis qui cherchent des inspirations visuelles. Sinon passez votre chemin, vous ne raterez rien.

 

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